Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Du vaudou haïtien à la pop culture, comment les zombies ont envahi le monde

Histoire d’une notion. En ce siècle confronté à des défis mondialisés et à des menaces potentiellement apocalyptiques, la référence aux zombies est omniprésente. « Ils sont partout, au cinéma, à la télévision, dans nos rues, chez notre libraire. Derrière leur démarche traînante et ridicule se cache une figure symptomatique de notre époque », estime le sociologue Maxime Coulombe dans sa Petite philosophie du zombie (PUF, 2012).
Le zombie traduit aussi bien des préoccupations économiques (les entreprises en difficulté chronique sont baptisées « zombies ») que psychiques (les individus aliénés par leur travail ou addicts à leur smartphone ne sont-ils pas qualifiés de « zombies » ?), technologiques (on parle de « technologie zombie » pour une technologie obsolète et nuisible) ou même religieuses : l’anthropologue Emmanuel Todd théorise ainsi le « catholicisme zombie », un catholicisme de moins en moins pratiqué mais conservant une influence dans la société. « Etre zombifié(e), en amour, consisterait à être quitté(e), puis recontacté(e) comme si de rien n’était par notre ex », lit-on aussi dans Cosmopolitan, qui évoque une « tendance actuelle » et « traumatisante » (1er mai 2023).
Mais avant de désigner les peurs de l’humanité, le zombie trouve racine en Afrique, où on le rapproche notamment du ngzombi, un individu envoûté dans les cultures issues du Dahomey. A partir du XVIe siècle, au gré des déportations d’esclaves, c’est dans le vaudou haïtien, mélange de traditions africaines, chrétiennes et précolombiennes, que le zombie se développe.
En Haïti, « le terme revêt trois significations : la première, qui n’est plus acceptée dorénavant, renvoie aux enfants morts sans baptême, dont on capte l’âme pour se porter chance. La deuxième correspond à un esprit fantôme qui, volé au cadavre, circule comme une âme errante (…). Enfin, le dernier type – et le plus communément admis [encore aujourd’hui] – est l’individu à qui un poison a été administré, qui le met dans un état cataleptique. On le fait alors passer pour mort et on l’enterre, avant de l’exhumer deux ou trois jours plus tard », résume l’anthropologue et médecin légiste Philippe Charlier, auteur de Zombis. Enquête sur les morts-vivants (Tallandier, 2015).
Soumis à un bokor (sorcier pratiquant la magie noire), ce dernier type de zombie perd alors, selon les adeptes du vaudou, presque toute humanité, obéissant servilement à son nouveau maître et errant, hagard, dans les rues ou les marchés lorsque le bokor meurt ou n’a plus besoin de lui. Il préfigure ainsi la figure moderne du mort-vivant rôdant sans but, totalement déshumanisé. La zombification répond, en théorie, à une logique de justice, intervenant après une faute grave (exploitation de terre, meurtre, viol, etc.).
Il vous reste 48.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish